Le Centre municipal de SAYNATSALO, construit en Finlande par Alvar Aalto entre 1949 et 1952. Tout au nord de l’Europe, au milieu de la Finlande, une région de forêts et de lacs à quelques centaines de kilomètres du cercle arctique. Sur l’île de Sagna de Salò depuis plus d’un siècle, une petite communauté vit autour d’une grande usine à bois. En 1945, le pays ravagé par six ans de guerre est à reconstruire. L’usine se développe. La petite bourgade a besoin de nouveaux équipements.
La municipalité communiste organise un concours d’architecture pour la construction d’un hôtel de ville, bénéficiant de ses relations avec le conseil municipal et du soutien de l’entreprise. Le gagnant est Alvar Aalto. C’est le plus grand architecte finlandais du moment. Alvar Aalto est, avec Le Corbusier, un des animateurs du mouvement moderne de bâtiments non rendu internationalement célèbre. Le sanatorium de Paimio, achevé en 1933, et la Bibliothèque de vie pourrie, ouverte en 1935. C’est aussi un créateur de meubles, mais ce n’est pas un théoricien.
Au contraire, le créateur a inventé le papier pour dessiner l’architecture, tout autre usage en ce qui me concerne, un mauvais usage du papier.
La ville de SAYNATSALO est noyée dans la forêt et la petite commune de 2000 habitants a un projet modeste un hôtel de ville, quelques logements de fonction pour les employés de la Ville, des commerces et une bibliothèque, le tout rassemblé dans un équipement unique. Pour Alvar Aalto, l’enjeu est double affirmer la supériorité des bâtiments civiques sur les bâtiments commerciaux. Un de ses thèmes de prédilection est bâtir au milieu des arbres un monument urbain inspiré par la cité idéale de l’Italie de la Renaissance.
La Finlande centrale me rappelle souvent la Toscane, le berceau des villes construites sur les collines. Pour moi, la ville sur une colline est devenue une religion, une maladie, une folie. La ville sur la colline est la plus pure des formes, la forme unique et naturelle de l’urbanité.
Rêvant des peintures de Mantegna et de la Toscane, Alvar Aalto crée une colline artificielle qui l’entoure de quatre corps de bâtiment. Il aplani ces monticule et constitue un patio central surélevé. Une tour carrée surplombe ce quadrilatère. Deux escaliers permettent de monter dans le patio, du côté de la grande rue un large escalier de granit l’entrée majestueuse des locaux de l’hôtel de ville. De l’autre côté, un escalier de terre planté d’herbes. Ce vide au coeur du bâtiment, le patio surélevé permet de transformer un simple bâtiment municipal en fragments urbains comme un petit quartier.
Cette image est accentuée par le traitement singulier des volumes. Chaque corps de bâtiment développe une géométrie régulière faite de retrait, de porte à faux et de parois obliques, dont l’ensemble évoque la complexité et les tensions du paysage urbain.
Un bâtiment est comme un instrument. Il doit absorber toutes les influences positives et intercepter toutes les influences négatives qui pourraient affecter l’homme. Un bâtiment ne peut atteindre ce but que s’il est nuancé avec autant de finesse que l’environnement dans lequel il se dresse.
À SAYNATSALO, la brique est un des instruments de l’architecte, un matériau traditionnel dans le nord de l’Europe, mais méprisé par le mouvement moderne qui lui préfère le béton. ce qu’Alvar Aalto aime dans ce matériau, c’est que chaque brique est unique. Chaque mur est une composition où s’exprime le talent des artisans, leur savoir faire est encore visible dans la réalisation du joint, en retrait de 15 mm pour faire jouer la lumière et l’ombre dans les variations de rythme, dans l’usage des 5% de briques brulés, noir ou écornées que le contrôle technique voulait éliminer, dans l’affirmation tranquille de cette grande trame qui humanise les parois aveugles de la tour et unifie l’aspect d’un programme disparate.
Celui ci prévoyait sept logements de fonction. Cinq commerces, une bibliothèque, cinq bureaux et 2 salles de réunion pour l’hôtel de ville, chacun des éléments du programme occupe, à côté du quadrilatère, des bâtiments à un étage dont on fait le tour par l’extérieur. Les boutiques et les bureaux, les logements, la bibliothèque. L’événement majeur se déploie à la verticale, c’est la grande tour de l’hôtel de ville qui dépasse de 10 mètres les autres corps de bâtiment.
Aux membres du conseil qui lui demandaient pourquoi la tour de l’hôtel de ville devait s’élever à 17 mètres, Alto avait répondu que la tour de l’hôtel de ville de Sienne faisait 16 mètres de haut et que SAYNATSALO pouvait bien faire un mètre de plus. Au delà de la boutade, Alto veut affirmer la prééminence des bâtiments civiques.
Ce n’est pas une tour, mais une masse qui domine, sous laquelle repose le symbole le plus important du gouvernement, la salle de réunion du conseil municipal.
Pour accéder à ce symbole, l’architecte crée un trajet majestueux et simple à la fois, où la brique atteint la noblesse du marbre des palais italiens.
La salle du conseil municipal est toute simple, c’est un carré. Le bureau du maire fait face à trois rangées de tables. Le public se tient derrière. La majesté du lieu vient de la hauteur. Ce n’est pas le volume d’une salle de réunion mais celui d’une église. Plus de dix mètres sous le plafond, soutenu par de grandes poutres, à l’origine l’architecte avait dessiné une série de demi fermes, la charpente classique d’un toit à une pente.
Puis un bricoleur de génie amoureux du bois, il a inventé la poutre papillon. Une poutre principale réunit les efforts de 16 poutres secondaires des jambettes prouesse de charpentier, mais aussi une leçon, comment réunir les forces de tous, pour un effort commun?