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On n’a jamais su dans quelle catégorie classez Pierre Chareau, décorateur ou créateur de meubles, architecte d’intérieur ou architecte tout courtLa Maison de verre, construite à Paris entre 1928 et 1932 par Pierre Chareau. On n’a jamais su dans quelle catégorie classez Pierre Chareau, décorateur ou créateur de meubles, architecte d’intérieur ou architecte tout court. Il commence à travailler au début du siècle, mais ne s’établit à son compte qu’en 1919. Il fait partie de ce qu’on appelle alors l’avant garde. Ces meubles incarnent l’esprit moderne. On les trouve dans des appartements de riches bourgeois cultivés, dans des décors des films de Marcel L’Herbier.

Ce sont des meubles d’inventeurs simples d’aspect, mais surprenants par leurs éléments articulés et mobiles. Il associe le bois et le métal, matériau moderne par excellence que Chareau est l’un des premiers à utiliser pour du mobilier de luxe. Chareau dessine des meubles originaux, comme cette table à plateau articulé pour sa plus ancienne cliente, Annie Bernheim, épouse du docteur d’Alsace. C’est pour eux qu’à l’âge de 47 ans, Charles va se faire architecte.

bureau à plateau articulé pierre chareau

Le couple possède à Paris, sur une parcelle du quartier de Saint-Germain-des-Prés, un petit hôtel particulier sans prétention, entre cour et jardin, on souhaite le démolir et construire une nouvelle maison à la place. Mais le dernier étage sous comble est occupé par une locataire qu’on ne peut faire partir. Chareau va tirer parti de cette contrainte pour réaliser un véritable tour de force. Les deux premiers niveaux seront évidés. On ne gardera sur le côté qu’une entrée et un escalier qui desserviront l’appartement de la locataire conservé tel quel. La nouvelle construction s’insère dans l’espace ainsi dégagé, une structure d’acier en forme d’ossature et supporte en même temps l’ancien second étage et le comble.

Des façades de verre ferme, le volume à l’arrière et à l’avant ou une aile en retour vient compléter l’ensemble. La nouvelle construction n’a pas les attributs habituels d’une maison. Elle n’a pas de toit et elle est prise entre deux mitoyens. Sa façade sur cour, qui émerge à peine de l’ancienne bâtisse, est dépourvue de tout relief et de tout détail. C’est un aplats opaque et neutre, entièrement fait de pavés de verre translucide, mais pas transparent. Le pavé de verre, produit industriel utilisé surtout dans les plafonds des sous sols pour ramener de la lumière naturelle dans les passages et les toilettes publiques, devient ici l’unique matériau de la façade principale d’une construction de prestige.

Côté cour, ce mur de verre ne comporte aucune ouverture. A l’arrière ou la maison donne sur un grand jardin privé, le traitement est différent. Les pavés de verre restent le matériau de base, mais la maison s’ouvre sur le dehors par des fenêtres et des volumes en déport de beaux windows et une grande terrasse. Cette différence de traitement entre cours et jardins est un bon repère quand on se perd dans le labyrinthe des espaces intérieurs. Si on ne voit que du pavés de verre translucide, on est Côté-Cour.

Si l’on voit aussi du verre transparent, on est côté jardin, à moins qu’on ne soit quelque part entre les deux, pris dans le jeu des superpositions et des reflets. La façade sur cour projette une image de simplicité et de rigueur, mais la borne à l’entrée donne une idée de la complexité du programme que le couple d’Alsace impose à l’architecte. Dans un volume restreint, il faut faire tenir un cabinet médical avec salle d’attente, secrétariat, bureau et salles d’examen pour les patients du docteur, un pionnier en matière d’obstétrique.

Mais aussi des espaces réservés à la vie de société, comme on disait à l’époque où le couple peut recevoir comme il se doit des espaces de service cuisine, buanderie, chambres de bonne et des pièces pour la vie nocturne de monsieur Madame et leurs enfants. C’est le programme d’une grande habitation bourgeoise, mais compliquée par le manque d’espace. L’intégration d’un cabinet médical et la volonté d’être absolument moderne.

La partie évidée de l’ancienne construction s’élevait sur deux niveaux au rez de chaussée et au premier étage, pour augmenter la surface habitable, l’architecte crée un niveau supplémentaire. La maison aura un rez de chaussée, un premier étage et un second étage partiel, dégageant à l’avant un grand volume sur une double hauteur. Les plateaux des étages sont accrochés aux poteaux métalliques. Il n’y a pas de murs porteurs, uniquement des cloisons, sans aucun rôle structurel que l’architecte peut placer où il veut. Pour organiser l’espace à sa guise. Une boîte de verre glissée sous la façade principale fait office d’entrée commune pour la famille et les patientes.

Le docteur reçoit au rez de chaussée. Des cloisons délimitent le secrétariat. Son bureau et les salles d’examen. La salle d’attente placée à l’arrière n’a pas de portes avec sa longue fenêtre sur jardin. C’est un espace ouvert qui se veut apaisant et fonctionnel, mais le fonctionnalisme ici n’est qu’apparent. À côté de la salle d’attente aux plafonds bas, Chareau crée un espace tout en hauteur, sans aucune justification pratique, sauf de permettre aux patients du docteur d’admirer elle aussi les principes constructifs du bâtiment, la structure d’acier et la paroi de verre.

Le bureau du docteur, qui se trouve juste derrière, a lui aussi cette hauteur sous plafond démesuré qui lui donne un air de cathédrale accentuée par la lumière diffuse des pavés de verre. La juxtaposition de ces gestes spectaculaires crée des espaces surprenants, mais complexes pour Chareau, l’effet plastique comptent plus que la rigueur et la lisibilité qui caractérisent d’habitude le mouvement moderne.

Enfermé dans une cage faite de portes, de tôle bombée et de cloisons de verre, l’élément central du rez de chaussée est le grand escalier qui mène au premier étage.

Grand est le terme, l’escalier métallique aux marches couvertes de caoutchouc et suspendues comme une échelle de navire, une échelle monumentale, écrit un critique de l’époque, car sous son allure fonctionnelle, c’est un escalier d’apparat. Sa position aussi est inhabituelle, son départ, au lieu d’être dans l’axe de l’entrée, se trouve au milieu de la maison. Pour prendre l’escalier, il faut longer une cloison de verre, puis faire demi tour et monter en repartant en sens inverse. Ainsi, le visiteur monte face au spectacle du mur de verre, dont il découvre peu à peu les véritables dimensions.

C’est la surprise du premier étage, la grande paroi de la façade sur cour ne correspond qu’à un seul volume, une seule pièce meublée comme un salon, mais aux dimensions et à l’aspect d’un atelier de peintre ou d’usine.

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